Le contexte
Depuis fin février, mon mari vit en Suisse pour son travail. Les enfants et moi nous sommes encore à Paris. Nous n’avons pas déménagé car ce travail devait se finir le 31 août, et plusieurs autres raisons : d’une part ma vie est en région parisienne, mes amis, ma famille, mes habitudes de vie. D’autre part, je suis une fille de la ville, et vivre en campagne suisse ou savoyarde c’est mon opposé. Alors, je vais en faire bondir pleins ici, mais la montagne et moi ça fait 2: c’est comme ça. Je n’aime pas le froid, je déteste la neige: voila, c’est un fait. Quand je sors de ma ville pour les vacances c’est la mer qui m’appelle. Bon alors ici ce n’est pas vraiment le débat d’essayer de me convaincre que c’est formidable, c’est une question de goût et de caractère. Mais dans cette mesure vous pouvez du coup comprendre plus facilement pourquoi il est complexe pour moi de m’imaginer en Savoie. Et franchement, les phrases « ba tu sais pas si ça se trouve ça va te plaire hein » je m’en passe aisément. Prenez un avis catégorique chez vous et entendez cette phrase : vous allez voir que ce n’est guère agréable. Cependant, Nicolas lui adore cet univers ! Pratique!
Dans tous les cas, pour ces 6 mois, il y avait d’une part cet aspect, d’autre part l’aspect pratique surtout ! Pourquoi lâcher notre appart si dur à obtenir pour 6 mois et ensuite que se passe t-il ? Non, il faut avoir les pieds sur terre. C’est pourquoi, Nicolas a un studio en Suisse et moi j’ai gardé notre appart avec les enfants. Nicolas revient quand il peut mais comptez 200e l’aller retour, alors il faut mesurer tout cela.
Je travaille à la maison comme vous le savez, je coach des personnes vers leur objectif forme. Candice va à l’école et Aurore n’a toujours pas de place en crèche. Mais à partir d’Avril j’ai pris une nounou qui venait à la maison pour 8h par semaine pour aller faire du sport.
Voila ! Vous avez le contexte !
Le vase qui se rempli doucement mais sûrement
À la base, Candice est une enfant facile, et Aurore est très dure. Elle a 2 ans et demi, et ne fait quasiment pas ses nuits. Ça va, ça vient mais je n’ai jamais eu une semaine avec 100% des nuits depuis qu’elle est née. Donc je traine une fatigue physique depuis sa naissance. Et les nuits où je pourrais dormir, je reste dans un état de veille permanent à l’idée de l’entendre crier. Que dis-je : hurler comme une possédée.
Dans le quotidien, elle fait des crises à gogo. J’avais lu il y a des années quelqu’un dire » les enfants ne font pas de caprices avant 4 ans » à chaque fois j’y repense et j’ai envie de lui mettre des claques avec plaisir à celle la.
Imaginez vous : toutes les étapes de la journée se font dans les cris. Aurore ne se réveille que en hurlant. Je n’ai pas des matins où elle se réveille tranquillou où je l’entends chantonner. Non elle hurle. Toutes les couches de la journée elle essaye de me mettre le plus de coup de pieds possibles tout en hurlant. Elle refuse également d’enlever son pyjama, dans les cris, et de mettre ses habits dans les cris. Quand il s’agit d’accompagner sa soeur à l’école, elle refuse de marcher, ou d’être dans la poussette, ou d’être portée. J’ai beau lui demander sous tous les tons elle hurle, se débat, essaye de me taper, et finit par s’allonger par terre pour hurler. Rebelote quand on part de l’école pour retourner à la maison. En gros il est 8h30 et je suis déjà à bout. Et pourtant je communique avec elle, je parle avec elle, je la sollicite pour m’aider à choisir les habits, lui laisser le choix sur tout. Je lui parle gentiment : mais elle m’envoie chier en hurlant sur tout.
Une fois que sa soeur est à l’école, elle refuse de jouer avec moi. Elle aime me claquer la porte au nez et vider ses caisses de jeux dans sa chambre. Au moment du repas, je l’implique, on choisit les aliments, j’essaye de faire avec elle. Mais soit elle balance tout par terre, soit elle hurle à toutes les étapes. Pour manger, il n’y a pas eu un repas avant juillet où elle n’a pas jeté son assiette par terre, craché sur moi son repas, catapulté ce qu’il y avait dans sa cuillère / fourchette, dévissé son bib ou renversé son verre. Pour la toilette, elle refuse de se laver les mains, et se débat en se tortillant pour ne pas mettre les mains sous l’eau, hurle et tente de me taper. La sieste il y a deux solutions : soit elle hurle et ne dort pas. Et j’ai tout tenté dans le rituel. Soit elle ne hurle pas et fait des conneries comme déplacer son lit et attraper les couches ou les linges et tout déballer, ou les livres et les déchiqueter, ou encore défaire sa couche et étaler ce qu’il y a dedans partout où elle peut. Donc vous l’avez compris aucune sieste ne se passe bien.
Rebelotte les crises pour l’école pour aller chercher sa soeur. Les crises pour le goûter et se laver les mains. Puis depuis avril la nounou venait à 17h : et là, Aurore était super sympa avec elle jusqu’à 19h. Je pouvais au moins souffler au sport. Ne plus entendre les cris, mais je savais qu’en rentrant ça reprendrait. Un répit auditif mais pas psychologique.
Après mon retour à 19h, le bain ou la douche, dans les cris pour les vêtements, l’eau, le savon, se sécher, le pyjama. Tout. Et on repart sur les crises du repas, de la brosse à dents. Bien entendu le coucher c’est le boxon également, et elle finit par s’endormir, surement épuisée vers 22h. Pour trop souvent recommencer les cris vers 0h.
Voila ma journée avec aurore. Tous les jours depuis 6 mois.
Alors, je vous vois venir, elle n’a rien physiquement qui la fait hurler comme ça : c’est une enfant qui va bien dans son corps. Dans sa tête son père lui manque et je suis le seul parent qui reste. Et dans la mesure où je travaille à la maison je m’occupe tout le temps d’elle donc je ne peux pas lui donner plus de temps et d’attention que ce que je fais actuellement. Je fais un tas d’activité pour ne pas rester à la maison: on va au parc, au musée, à la piscine, au jardin. Chaque sortie se passe dans les cris. Je partage avec elle le plus possible, je parle, je lui explique tout. Je suis patiente, je ne mets pas de claque, mais il y a tout de même un cadre et ce n’est pas la fête à la saucisse avec l’enfant roi et tyrannique. J’ai cependant du mal à communiquer avec elle car elle ne parle pas. Elle dit maman et non. Voila. Bien sûr lié au fait que son père ne soit pas là.
Ma vie professionnelle
En dehors de tout ça qui est déjà TRÈS prenant, j’ai un boulot qui me sollicite 7j/7 et du matin au soir. Je reçois des messages tout le temps et rien que sur ça la charge mentale est déjà bien entamée du bulbe de ce côté : réussir / évoluer / aider mes partenaires qui ont tous leurs pbl perso et des blocages / les partenaires de mes partenaires etc / les filles que je suis dans leur perte de poids qui ont besoin d’une forte présence / la formation des nouvelles et les multiples questions etc. La roue du hamster s’enclenche vite dès le matin et ne s’arrête de tourner que quand je décide de dormir.
Conjuguez ce travail très prenant et stressant avec le caractère d’Aurore.
Candice
Dans tout cela, je ne peux pas oublier ma première fille, qui existe et qui n’a pas à être mon défouloir à Aurore. Je lui dois du temps, de l’attention, de l’amour, de la patience et de l’intérêt pour la personne individuelle qu’elle est.
Les tâches ménagères
Les enfants le boulot et comme tout le monde : les courses, et le ménage. Et oui! Il faut que tout le monde mange, que le linge tourne et qu’on ne vive pas dans une porcherie.
Mon couple
Nicolas a des journées usantes de son côté, et moi, bon vous avez compris quoi. Donc parfois quand on se parle, fatigue incompréhension mauvaise communication sont nos potes et parlent à nos places.
Tout ça, toutes ces choses, tous ces cris : je suis à bout.
J’en suis arrivée au point où je me sens à côté de mon corps, moi qui ne pleure jamais, je chiale quasiment en continu ( en dehors de devant les enfants ). Je regarde Aurore de loin. Pour moi c’est Aurore, mais pas ma fille. Je ne connais pas cet enfant qui me mène la vie si dure. Et si j’écris ces mots très durs, en pleine conscience, je sais que certaines mères ici le vivent, le ressentent. N’ayez pas honte. Quand c’est trop : c’est trop. Dites le. C’est pas un concours de bite de la meilleure mère possible.
Psychologiquement, je n’ai plus la capacité de remettre les compteurs à zéro le matin et partir sur une bonne journée guillerette avec mes enfants. Non, je sais qu’Aurore va me pourrir la vie. D’ailleurs quelle nuit ? Quand je dors 4h c’est une victoire. Et par petits bouts les uns accrochés aux autres.
Je ne suis plus une femme de 28 ans, mais l’ombre épuisée, échevelée d’Aurore. Je ne suis plus la femme de Nico: je survis du matin au soir dans un concert permanent et incessant de cris.
Alors cet été, j’ai été tout le temps en Bretagne, Aurore a passé 2 semaines seule avec ses grands-parents durant lesquelles elle a été un ange : donc elle sait être calme. Ce qui m’a fait d’autant plus de peine. Pourquoi moi je subis tout ça ? Elle a tenté de faire son bordel à l’île de Batz avec mes parents, réussi certaines fois bien entendu. Ma mère m’a vu comme jamais elle ne m’avait vu je pense. Avachie sur la table à pleurer. Marcher et pleurer. À table et faire la gueule … un plaisir de vivre avec moi. Je ne suis plus moi même.
Il faut que cela cesse.
J’ai eu du mal à faire comprendre à mon entourage à quel point Aurore me menait la vie dure, car elle ne fait ça qu’avec moi. Jamais avec les autres. Donc comment leur dire que je n’exagère pas ? que je ne fais pas un cinéma ? Et bien je l’ai dit. J’ai expliqué autant que je pouvais. Si vous êtes dans cette situation : communiquez jusqu’à ce que les autres vous entendent ! Il en va de votre survie mentale.
J’ai pris des décisions radicales pour la rentrée scolaire car Nicolas doit rester en Suisse 4 mois de plus au final. Et oui, à tout ça : moi qui pensait que tout s’arrêterait le 31 août au retour de Nicolas. Non, j’en prends pour 4 mois de plus. Et l’idée de repartir pour 4 mois comme ça m’était insupportable.
Nicolas a compris qu’il me fallait de l’aide, et Aurore ira donc chez une assistante maternelle (très cher dans notre ville) de 8h45 à 17h du lundi au vendredi. Cette étape, soyons clair, je la fais pour moi et pour elle. Pour moi, je ne peux plus entendre autant de cris, tout le temps. Il faut que je dorme, ça devient nécessaire. Et je dois ré apprendre à être autre chose que la mère d’Aurore au quotidien. Pour elle ensuite, elle va pouvoir ne pas être en colère toute la journée, débloquer sa parole, enclencher la propreté, et découvrir qui elle est en dehors de sa lutte avec moi. Je suis certaine qu’à la fin de la journée nous nous retrouverons plus sereines l’une et l’autre et surtout contentes de se retrouver. Je serai une autre mère pour Candice. Je serai plus productive et efficace dans mon travail. Plus patiente avec Nicolas. Bref : une nouvelle vie.
En conclusion
Ces 6 derniers mois ont été une sorte d’enfer pour moi. Mais j’ai touché le fond, pris des solutions pour remonter.
Si vous êtes dans ce cas de fatigue mentale : osez vous l’avouer. Vous n’avez pas à être parfaite. Mais si vous avez des soucis : communiquez pour trouver des solutions. Si on reste dans le même schéma : rien ne peut changer. Demandez de l’aide.
Madi
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